Le musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon propose un ouvrage inédit « 160 ans de collections », qui met à l’honneur l’incroyable richesse et la grande diversité des collections du musée, en attendant sa réouverture prévue à l’horizon 2029.
À l’occasion de son 160e anniversaire, le musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon propose, sous la direction d’Aziza Gril-Mariotte, directrice générale et de Marion Falaise, responsable des collections, un ouvrage inédit qui met à l’honneur l’incroyable richesse et la grande diversité des collections du musée, en attendant sa réouverture prévue à l’horizon 2029. Cette publication bilingue (français et anglais) propose un nouveau regard sur la plus importante collection de tissus au monde, et la deuxième d’arts décoratifs en France.
L’équipe du musée a réuni 84 experts de 11 pays et a sélectionné 160 trésors issus de ses collections parmi les plus connus, mais aussi des découvertes récentes.
L’ouvrage s’organise chronologiquement avec un choix d’œuvres emblématiques et exceptionnelles qui donnent un aperçu de la grande variété de leur origine géographique et de leur circulation entre différentes cultures : depuis l’Égypte pharaonique jusqu’à nos jours, allant de l’Orient à l’Occident, en passant par la ville de Lyon. Tissus, tapis, tapisseries, costumes, décors intérieurs, pièces d’ébénisterie et d’orfèvrerie…
Dans cette perspective, un intérêt particulier est accordé à l’histoire matérielle des objets permettant de retracer leur vie depuis leur production jusqu’à leur usage ou leur transformation.
Il y a 160 ans, institution pionnière en France, le musée d’Art et d’Industrie ouvrait ses portes à Lyon, avant de devenir, en 1891, le musée historique des Tissus, puis d’être complété, en 1925, par un second musée, dédié aux arts décoratifs. Menacé un temps de fermeture, c’est, aujourd’hui, la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui œuvre pour rendre à ce patrimoine d’exception sa juste place, l’ouvrir au plus grand nombre, tout en le maintenant au cœur de la presqu’île de Lyon dans un cadre historique prestigieux.
Focus sur quatre trésors des collections
Paravent à douze feuilles à décor de scènes de chasse dans un paysage
Restauré avec le concours de la Région, cofinancé par l’État (ministère de la Culture/DRAC Auvergne-Rhône-Alpes).
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les laques de Chine et du Japon faisaient partie, au même titre que les porcelaines, des cargaisons d’objets précieux rapportés en Europe par les navires des compagnies européennes des Indes orientales. En raison de leur fragilité et de leur encombrement, les grands paravents étaient alors rares et considérés comme des pièces d’exception. Dès le XVIIe siècle, certains furent découpés pour être intégrés dans les boiseries de cabinets chinois. Ils servirent par la suite au placage de meubles européens, de sorte que très peu d’entre eux sont parvenus intacts jusqu’à nous. Ce paravent présente un paysage ponctué de scènes de chasse, encadré par une large bordure florale polychrome flanquée de frises de lotus stylisés. La scène centrale est peinte à l’or sur fond de laque noire, selon une technique appelée miaojin, dont la région de Canton s’était fait une spécialité. Ce paravent constitue donc un rare témoignage du grand mobilier de laque peint à l’or produit en Chine au XVIIe siècle à destination des marchés européens.
Chine, XVIIe siècle – Bois, laque noire peinte à l’or (miaojin 描金), bordure incisée et polychromée
Panneau : H. 251 cm ; l. 46 cm ; Pr. 3 cm Inv. MT 24083
Robe Infante, collection Haute Couture printemps-été 2004
Pour cette robe de cocktail, la maison de couture Carven a eu recours à un tissu d’ameublement : un riche lampas à fond cannetillé, produit par la maison Tassinari et Chatel, une réédition d’une étoffe d’époque Louis XV, en coloris or. Créée en 1945, la maison Carven, voit se succéder après la retraite de sa fondatrice Marie-Louise Carven-Grog en 1993, plusieurs directeurs artistiques, dont Pascal Millet entre 2001 et 2007.
En nommant ce modèle « Infante », le couturier souhaite évoquer les princesses d’Espagne, immortalisées par Vélasquez. Il en propose une version modernisée, dans la même veine que les créations d’inspiration historique de Christian Lacroix.
Le corsage rigide et montant qui comprimait la poitrine, devient un bustier fendu au niveau des seins, joint avec le bas de la robe comme à l’époque. Dans une interprétation très libre du vertugadin espagnol, une sorte de dessus de robe en rembourrage donne une ampleur rigide à la jupe courte et bouffante.
La soierie d’ameublement, par son décor et sa tenue, s’adapte parfaitement aux références historiques auxquelles le styliste a fait appel pour cette silhouette destinée à illuminer le défilé.
Maison Carven ; Pascal Millet, directeur artistique ;
maison Tassinari et Chatel, fabricant
Lampas fond cannetillé ; soie
H. 128 cm ; l. 89 cm – Inv. MT 51370.2
Tunique
Cette tunique en lin est un témoignage exceptionnel des pratiques funéraires de l’époque pharaonique. Le lieu de découverte de cette pièce n’est pas connu mais, par analogie avec d’autres exemples similaires, elle proviendrait d’une tombe féminine en Égypte, durant la Ve dynastie.
La tunique est composée d’une pièce principale, cousue entre deux lisières, et de deux pièces rapportées pour les manches. Le tissu de la partie centrale a été plié en quatre avant d’être plissé, ce qui explique le pli médian ; les manches présentent également un jeu de pliure.
Les tuniques, comme les autres tissus découverts dans les nécropoles, ont permis de mieux connaître le niveau technique des tisserands égyptiens qui ont produit des étoffes de lin d’une grande finesse.
Égypte, vers 2150 av. J.-C.
Toile plissée, lin – H. 114 cm ; l. 126 cm
Inv. MT 46841
Vitrail, la Légende de la Licorne
L’immense baie en plein cintre, composée de dix panneaux ayant pour scène centrale L’Annonciation, est présentée à l’Exposition universelle de 1900 où l’artiste reçoit une médaille d’or pour l’ensemble de ses envois. Sous une arcature, l’archange Gabriel apparaît à la Vierge Marie.
Le vitrail montre une utilisation importante de verres à matière que l’on désigne généralement par l’expression « verre américain ». De fabrication artisanale, translucides, aléatoirement colorés ou opalescents, animés de reliefs réguliers ou irréguliers, ces verres sont élaborés à partir de 1879 dans les verreries de Brooklyn par des cristalliers d’origine lorraine. Lucien Bégule, à l’instar des maîtres verriers Félix Gaudin ou Eugène Oudinot, est parmi les premiers à les employer lorsque le procédé est introduit en France. Ces effets de matière, associés à une composition dynamique, comprenant en bordure un déroulement de rinceaux qui enchâssent les figures des chasseurs et de la licorne plusieurs fois répétées, font de cette verrière un bel exemple de l’expression de l’art du vitrail entre le symbolisme et l’Art nouveau.
160 ans de collections
En coédition avec Liénart Éditions
24,5 x 28 cm, cartonné contrecollé – 360 pages – 293 illustrations – Bilingue français/anglais
ISBN : 978-2-35906-448-3
Sortie le 28 novembre 2024
Crédits photos ©Musée des Tissus et des Arts décoratifs